Histoire ::

1349. La concubine de l'Empereur Gokomatsu doit quitter le palais, chassée par l'Impératrice,  et met au monde un enfant, fils de l'Empereur, dans une très humble demeure. Ce garçon, Senguikumaru, devra plus tard quitter sa mère pour aller étudier dans un temple bouddhiste zen. En faisant son apprentissage, Senguikumaru (qui sera rebaptisé Ikkyu) se mettra à douter du système des temples, deviendra un moine nomade, puis un moine...libertin.

Critique ::

IKKYU est un manga historique: à travers le personnage, c'est l'histoire du Japon médiéval qui est illustrée. Naissance du théâtre Nô, famines, guerres, corruption du shogunat, batailles intestines: le livre est extrêmement riche en détails culturels.

La première chose qui nous frappe à la lecture de IKKYU est la maîtrise dans le dessin: Sakaguchi adopte un style très ukiyo-e (les estampes japonaises) à certains moments, alors qu'il copie parfaitement le style réaliste de Katsuhiro Otomo (qui a d'ailleurs été son maître) pour les scènes de combats. Certaines images sont à couper le souffle, tellement elle sont riches en détails, alors que d'autres sont beaucoup plus «vides», ce qui aide bien à «alléger» le tout par moments.

L'histoire pour sa part est captivante: narration pleine de détails (certaines planches ne font que nous montrer quelques scènes simples qui se produisent en un même moment au marché du village: un homme achète un poulet, l'autre se fait voler sa bourse, un noble passe en carosse, un vendeur d'herbe tente de faire des affaires), scènes plus oniriques (surtout quand l'acteur de Nô, Zéami, nous parle, comme suspendu entre deux mondes). L'histoire du petit Ikkyu et du grand Japon se présentent en parallèle, se croisent, les personnages importants du présent racontent l'histoire d'un monde passé où Bouddha avait réussi à atteindre «le paradis de l'ouest». Nous restons accrochés à l'histoire, qui nous passionne, à la fois dynamique et philosophique.

Malgré tous les détails, IKKYU a le don de rester quand même très simple et très rafraîchissant. Plusieurs scènes d'humour sont parsemées ici et là et les personnages sont assez attachants. Le seul problème que je trouve à ce manga est la difficulté que le lecteur occidental peut avoir à s'y retrouver dans l'histoire: en plus de devoir se rappeler d'un bon nombre de noms de personnages, il doit se retrouver dans les termes culturels japonais et l'histoire du pays, qui par moment n’est expliquée que très grossièrement. Il arrive parfois aussi que l'adaptation française soit faite de façon à ce qu'on ne comprenne pas trop à qui appartient le phylactère, problème qui semble revenir souvent dans les adaptations par Glénat.

Finalement, un manga que je conseille à tous, passionnés de la culture japonaise comme simples amateurs, puis qui fera pas trop mal à votre porte-monnaie ou à votre horaire: que quatre tomes (les pages ne sont pas numérotées, mais je dirais environ 400/500 pour le premier tome), que l'on lit très rapidement, le sourire aux lèvres.

NB : Le premier tome contient également un texte d’introduction avec entrevue de Jean Giraud, très intéressant.